L'intelligence artificielle dans l'industrie de l'eau: un bien ou un mal?

La révolution de l'intelligence artificielle (IA) transforme de nombreux secteurs et l'industrie de l'eau ne fait pas exception. Les systèmes alimentés par l'IA permettent d'automatiser les processus de gestion de l'eau, d'accroître l'efficacité et de réduire les risques liés à la sécurité de l'eau. Mais l'essor rapide de cette nouvelle technologie a également son revers: l’entraînement et la maintenance des modèles d'IA nécessitent d'énormes quantités d'eau potable.

ChatGPT engloutit un demi-litre d’eau à chaque échange standard de 5 à 30 requêtes.

Jonas Theyssens, analiste actions chez KBC Asset Management

 

La tendance grandissante à la numérisation

L'eau figure depuis longtemps en bonne place dans l'agenda économique et politique. L'eau potable est rare et la pollution de l'eau est encore sous-estimée. Le changement climatique nous confronte en outre à des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents, susceptibles de provoquer inondations et pénuries d'eau. 'L'IA peut nous aider à prendre en main l'avenir de l'eau.  Des études de marché prévoient 6,3 milliards de dollars d’investissements dans l'IA d'ici 2030. Ces investissements s'inscrivent dans une tendance croissante de l'industrie de l'eau à passer à la numérisation intelligente', indique Anthony Sandra, Portfolio Manager chez KBC Asset Management.

 

Les 3 grands chantiers de l'IA

Les chercheurs du monde entier utilisent des capteurs connectés à l'Internet pour collecter des données. L'industrie de l'eau utilise ensuite ces données dans 3 grands chantiers:

1.  La détection des fuites

En Flandre, plus de 15% de l'eau potable est perdue dans son transport entre les sites de production et les consommateurs finaux et ces pertes sont principalement imputables à des fuites cachées. 'Ces pertes se chiffrent au total à plus de 150 millions de litres par jour, soit le contenu de plus de 60 piscines olympiques. Or, chaque goutte d'eau compte', précise Sandra. La détection des fuites est donc une priorité dans la lutte pour l'eau.

'Plus près de nous', poursuit Sandra, 'IMEC a lancé le projet SmartWaterGrid, un système de localisation des fuites qui utilise la technologie de l'IA pour détecter le moindre écart de pression de l'eau grâce à des données en temps réel.  La détection des fuites est ainsi ramenée de plusieurs semaines à quelques heures, avec à la clé une diminution des pertes d'eau et des coûts de maintenance.'

L'IA peut nous aider à prendre en main l'avenir de l'eau. Des études de marché prévoient 6,3 milliards de dollars d’investissements dans l'IA d'ici 2030.

Anthony Sandra, Portfolio Manager chez KBC Asset Management

 

2.  Une gestion efficace de l'eau

La capacité de réserve est essentielle dans le cadre d'une gestion durable de l'eau, mais elle n'est pas toujours facile à mettre en place. Surtout dans un contexte urbain.

'Aquafin a récemment développé un projet à Edegem, près d'Anvers, pour une gestion plus dynamique des citernes d’eau de pluie privées grâce à l'IA', explique Sandra. 'Lorsque de fortes pluies sont prévues, l'IA envoie de manière proactive un signal à une pompe spécifique, permettant une infiltration contrôlée de l'eau dans le jardin afin de libérer de l'espace.  L'eau de pluie peut alors être récupérée en cas de fortes pluies pour éviter les inondations'.

 

3.  La qualité de l'eau

Les contrôles manuels ne sont pas seulement chronophages: ils ne sont aussi que des instantanés. L'IA permet de surveiller la qualité de l'eau en temps réel et d'identifier plus rapidement les problèmes potentiels.

 

 

Le revers de la médaille

Il est clair que l'IA peut jouer un rôle important dans l'industrie de l'eau, mais l'essor rapide de cette technologie a aussi son revers. 'L’entraînement et la maintenance des modèles d'IA nécessitent d'énormes quantités d'eau potable', explique Jonas Theyssens, analyste actions chez KBC Asset Management.

ChatGPT est un gros consommateur d’eau

Des recherches récentes menées par les universités de Californie et du Texas montrent que les modèles linguistiques tels que ChatGPT consomment environ un demi-litre d'eau pour 5 à 30 requêtes. 'L’impact environnemental n'est peut-être pas impressionnant à l‘échelle d’une utilisation, mais vu son emploi massif et intensif – le site web de ChatGPT compte actuellement plus de 100 millions d'utilisateurs actifs –, l'impact global est énorme', selon Jonas Theyssens.
Le dernier rapport sur le développement durable de Microsoft, qui a conclu un partenariat majeur avec OpenAI, la société qui a créé ChatGPT, révèle que la consommation d'eau de Microsoft a augmenté de plus de 30% en 2022. Son grand concurrent Google, qui a son propre modèle linguistique sur le marché avec LaMDA, a également vu sa consommation d'eau augmenter de 20%. Ensemble, les deux géants technologiques ont consommé 3,2 milliards de litres d'eau supplémentaires en l’espace d’un an. 'Ces volumes représentent environ 1.300 piscines olympiques', précise Jonas Theyssens.

 

L’impact environnemental de modèles linguistiques tels que ChatGPT n’est il est vrai pas impressionnant à l‘échelle d’une utilisation, mais vu son emploi massif et intensif, l'impact global est énorme.

Jonas Theyssens, analiste actions chez KBC Asset Management

 

À quoi sert toute cette eau?

Les processus informatiques dotés d’une grande puissance de calcul, tels que le minage de cryptomonnaies ou l'entraînement de modèles d'IA, nécessitent d'énormes centres de données abritant de nombreux serveurs qui traitent des données en continu. Pour éviter la surchauffe, ces serveurs doivent être refroidis par des systèmes de climatisation traditionnels, ce qui est très coûteux, ou par un refroidissement liquide direct. De l’eau fraîche est alors envoyée dans les canalisations des centres de données depuis une tour de refroidissement. Pour éviter toute obstruction, la rouille et la formation d'algues, seule de l'eau potable est utilisée.

 

La promesse d’être positives en eau des grandes entreprises technologiques

L'empreinte écologique des modèles d'IA, en particulier les émissions de CO2, a engendré des progrès en matière d'efficacité énergétique. Malheureusement, l'empreinte hydrique colossale des modèles d'IA est jusqu'à présent restée sous les radars.

'Avec la pression croissante sur les émissions de CO2 et l'augmentation des coûts de l'énergie, les centres de données sont principalement érigés dans des endroits où l'énergie solaire et éolienne bon marché est disponible. 30% des centres de données dans le monde sont situés dans le sud-ouest des États-Unis, où le climat est doux mais où l'eau est aussi devenue une denrée rare', explique Jonas Theyssens. De nombreux centres de données ont du mal à trouver un compromis entre le recours aux énergies renouvelables et les économies d'eau.

 

Si elle n'est pas gérée correctement, cette empreinte constitue un obstacle majeur à l'évolution socialement responsable et respectueuse de l'environnement des futurs modèles d'IA.

Jonas Theyssens, analiste actions chez KBC Asset Management

 

'Ce n'est pas que les grandes entreprises technologiques ne font rien pour résoudre le problème', ajoute Jonas Theyssens.  ‘Nombre d'entre elles, comme Amazon, Meta, Google et Microsoft, ont promis de devenir ‘positives en eau' d'ici 2030, ce qui signifie qu'elles réintroduiront plus d'eau dans leur écosystème qu'elles n'en consomment.’ L'efficacité énergétique des centres de données peut encore être améliorée de manière à réduire leurs besoins en eau pour leur refroidissement. Utiliser des eaux usées épurées au lieu de pomper de l'eau potable pourrait également réduire de manière significative l'impact environnemental. Des milliards seront en outre investis dans la restauration des milieux humides, la construction de bassins d'eau et de systèmes de collecte des eaux de pluie, ainsi que dans les infrastructures et le traitement des eaux usées.

'Il est clair qu'une plus grande transparence est nécessaire', ajoute Jonas Theyssens. 'Une surveillance accrue et une analyse appropriée de la consommation d'eau dans les centres de données s’imposent. L'élaboration de lignes directrices sur la durabilité des centres de données devient également une nécessité pour les décideurs politiques. Car si cette empreinte n'est pas gérée correctement, elle constitue un obstacle majeur à l'évolution socialement responsable et respectueuse de l'environnement des futurs modèles d'IA.'

L'investissement thématique offre aux investisseurs la possibilité d'investir dans les grandes tendances qui guident notre société.

Anthony Sandra, Portfolio Manager chez KBC Asset Management

 

La gestion intelligente de l'eau offre des opportunités aux investisseurs

Dans le monde d'aujourd'hui, les ressources en eau sont sollicitées à l'extrême. Les technologies de gestion intelligente de l'eau deviennent donc de plus en plus importantes. L'IA peut s'avérer précieuse à condition qu’elle soit utilisée à bon escient ET qu'elle maîtrise sa propre empreinte environnementale. Les grandes entreprises technologiques montrent d’ores et déjà leur bonne volonté et ont la capacité financière d'assumer les investissements nécessaires.

'L'investissement thématique offre aux investisseurs la possibilité d'investir dans les grandes tendances qui guident notre société. Une approche d'investissement active est en outre essentielle pour sélectionner les entreprises capables de créer une valeur durable à long terme', conclut Sandra.

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Cet article est purement informatif et ne doit pas être considéré comme un conseil en investissement.